L’immigration est un sujet omniprésent dans l’espace médiatique et dans le
discours politique. Il suffit généralement d’un fait divers impliquant un étranger en
situation irrégulière pour que le débat soit relancé sur nos politiques migratoires, et
qu’une surenchère de mesures soit proposée pour fermer davantage les frontières ou
expulser plus de clandestins.
Il faut rappeler que l’immigration est loin d’être le premier sujet de préoccupation des
français. D’après un sondage de mars 2025, 26% des français se déclarent préoccupés par
le niveau de l’immigration, tandis qu’ils sont 46% à se sentir concernés par les difficultés
en termes de pouvoir d’achat et 37% par l’avenir du système social1.
Et pourtant, en France comme dans beaucoup d’autres pays, certains partis ont décider
d’instrumentaliser les questions migratoires à des fins électorales, en jouant avec les
peurs des citoyens : rhétorique de l’invasion, agitation des menaces de ruine économique
ou d’insécurité liée à la présence de clandestins, fantasme du « Grand remplacement »
ethnique, culturel, ou religieux….Un lexique qui construit une représentation de
l’immigration comme menace existentielle, déconnectée des réalités chiffrées.
Ces discours simplistes, xénophobes et alarmistes, ayant pour seule ambition de faire
de l’étranger un bouc-émissaire, alimentent un climat anxiogène propice à la surenchère
politique. En d’autres termes, ce n’est pas tant l’ampleur réelle des flux migratoires qui
façonne le débat que la manière dont ils sont nommés, instrumentalisés, et
régulièrement mis en scène. Or, ces représentations sont malheureusement devenues
dominantes dans l’opinion publique, et une partie de la jeunesse y est perméable.
Les Jeunes Démocrates refusent de laisser la droite et l’extrême-droite confisquer le
débat sur l’immigration : nous avons la responsabilité de promouvoir un autre récit,
crédible et humaniste, en présentant des mesures concrètes pour améliorer la gestion
des flux migratoires, le traitement des demandes d’asile ou l’intégration des étrangers.
Telle est notre volonté avec ce livret de propositions, réalisé à l’issue d’un travail de
réflexion, de plusieurs auditions avec des élus et chercheurs experts des questions
migratoires, ainsi que d’un déplacement sur la côte d’Opale, dans un territoire
directement concerné les effets de nos politiques migratoires.
En 2019, en Allemagne, 47 530 expulsions d’étrangers ont été prononcées et 25 140 appliquées, soit 53% du total. En France cette même année, 123 845 OQTF ont été prononcées et 15 615 appliquées, soit 12,6%2. Actuellement, la délivrance d’une OQTF constitue un choix par défaut pour les Préfectures françaises pour traiter le dossier des étrangers n’ayant pas vocation à être régularisés. Pourtant, cet état de fait fragilise la crédibilité de l’administration, qui ne parvient à en appliquer qu’une très faible part. Il conviendrait plutôt de cibler les demandes d’expulsion vers les étrangers aux profils problématiques afin d’en garantir l’application. Réduire le stock d’OQTF diminuerait l’influence des pays d’origine et le « chantage » aux laissez-passer consulaires.
En matière de traitement des demandes d’asile, l’Allemagne est également un modèle.
C’est en effet au niveau de chaque Länder que sont pris en charge les demandeurs
d’asile, aussi bien administrativement que financièrement3. La BAMF, organisme
fédéral responsable du traitement des demandes, possède des bureaux et des
personnels dans chaque Land afin de traiter les demandes au plus près des centres
d’hébergement des demandeurs d’asile. En France, une telle organisation décentralisée
permettrait de désengorger la région francilienne, où se concentrent les dossiers.
De plus, cette démarche pourrait être confiée à une entité unique regroupant les
missions confiées à l’Office français de l’immigration et de l’iIntégration (OFII, qui
organise l’acccueil des demandeurs d’asile), ainsi que l’Office français de protection des
réfufgiés et des apatrides (OFPRA, qui instruit les demandes). En effet, le morcellement
d’acteurs intervenant dans la demande d’asile constaté en France pèse dans les
procédures de traitement des demandes, tandis qu’un rapprochement de ces structures
permettrait de les simplifier et de les accélérer. .
Cette mesure ne créerait pas « d’appel d’air » mais encouragerait au contraire les étrangers déjà candidats au départ vers la France à plébisciter des filières légales d’immigration, plutôt que de traverser illégalement la frontière au péril de leur vie comme c’est le cas actuellement ou à demander le droit d’asile de façon détournée.
En excluant ces personnes, déjà présentes sur le sol français, de l’insertion économique, nous les enfermons dans la précarité. Elles se retrouvent captives du travail dissimulé (BTP, partage de comptes entre travailleurs des plateformes…) et au sein de leur communauté d’origine alors que des dizaines de milliers d’offres d’emplois demeurent non-pourvues dans les secteurs en tension.
La méconnaissance de la langue est la première barrière qui condamne les étrangers à rester en marge de la société. La France a tout intérêt à faire connaitre sa langue, et donc à promouvoir sa culture et ses valeurs à un maximum d’étrangers durablement présents sur son sol, sans faire la distinction de statut entre demandeur d’asile et réfugié effectivement reconnu comme tel.
L’échelon local est le lieu où les solidarités peuvent s’exprimer. Sur la côte d’Opale par exemple, c’est aux maires qu’il revient d’ouvrir en urgence un gymnase lorsqu’un bateau de migrants ayant tenté une traversée la Manche s’échoue sur une plage. Les communes peuvent aider les étrangers à s’insérer, en accompagnant les familles dans la recherche d’un hébergement, d’un emploi, ou en scolarisant les enfants. L’État gagnerait ainsi à mieux communiquer son action (création d’un centre de migrant sur le territoire, anticipation de flux migratoires…) aux élus locaux afin que ces derniers puissent assurer le suivi de ces arrivants.
Lancée le 19 janvier 2022 à Malte en replacement du précédent Bureau européen d’appui en matière d’asile, l’AEUA a pour mission de veiller à l’application des normes communes du régime d’asile européen dans les États-membres. Nous proposons de renforcer les moyens et les compétences de l’AEUA afin d’harmoniser les délais de traitement des demandes ainsi que les conditions d’accueil des réfugiés, afin d’apporter une réponse européenne cohérente aux dynamiques migratoires du continent.
Quelle que soit la dureté de nos politiques aux frontières, Douvres restera à 50 kilomètres de Calais, ce qui continuera toujours d’attirer des étrangers prêts à traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre. Les accords du Touquet de 2004, qui fixent la frontière avec le Royaume-Uni au niveau des côtes françaises, ne sont pas soutenables dans la mesure où ils ont provoqué successivement la formation de la « jungle de Calais » puis, après son démentiellement, des traversés extrêmement périlleuses de la mer en « small boats ». Nous devons donc renégocier des voies légales de passage des migrants vers le RoyaumeUni afin de mettre un terme à cette situation insoutenable pour les habitants de la Côte d’Opale comme pour les migrants.
Outre la réduction de la délivrance d’OQTF (proposition 1), nous assumons d’inverser la logique de négociation avec les pays de départ. Plutôt que de menacer ces pays de baisser leur aide publique au développement, nous pourrions appliquer une baisse de nos droits de douane, comme le propose le Ministre de l’Europe et des Affaires étranges, JeanNoël Barrot4 Une autre possibilité serait d’augmenter le montant d’aide publique au développement versé au prorata du nombre de ressortissants acceptés chaque année.
En l’État actuel du droit, les titres de séjour délivrés à Mayotte ne sont valables que sur l’île, les bénéficiaires devant demander un visa pour se déplacer ailleurs sur le territoire français. Mettre fin à ce système aurait un double effet : d’une part, désengorger pour partie l’île en permettant aux étrangers de se déplacer vers l’hexagone ou d’autres territoires ultramarins. D’autre part, inciter la Préfecture à délivrer ces titres de manière plus équilibrée, en prenant en compte le possible départ des personnes régularisées vers l’hexagone.
Il convient d’intensifier les contrôles et de sanctionner davantage la grande diversité d’acteurs qui profitent de la vulnérabilité des migrants : marchands de sommeil, entreprises employant des clandestins ou leur fournissant de la marchandise à vendre, associations organisant l’arrivée des migrants, mahorais signataires de reconnaissances frauduleuses de paternité…
En dépit de fortes tensions, plusieurs mesures peuvent être envisagées pour renforcer la
coopération avec les pays de la région. Un premier enjeu est de mieux contrôler le
versement de l’aide au développement, notamment aux Comores afin de s’assurer
qu’elle ne bénéficie pas aux passeurs (lorsque la subvention à la pêche permet la
construction de bateaux acheminant des migrants vers Mayotte, par exemple).
Dans le domaine agricole, un partenariat gagnant-gagnant est envisageable : Mayotte
pourrait réduire sa dépense à l’Europe pour des denrées qu’elle ne peut pas produire,
comme le Colza, tandis que cette production fixerait les cultivateurs comoriens dans
leurs pays. La coopération pourrait aussi se développer dans le domaine éducatif ou
encore sanitaire.
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